Tourner

Publié le 4 Mai 2020

Bridge-Annu Kipeläinen

Bridge-Annu Kipeläinen

L’enfance et le rond

 

La notion de rond apparaît dès les 1ers mois de la vie. Le fœtus in utéro se tient dans une forme arrondie ; Les moments de transitions ou de lâcher prise quand l’enfant s’endort, il est fréquent de retrouver l’enfant  recroquevillée comme une crevette, en position fœtale. La position des « fesses en l’air » comme une petite boule quand le bébé dort est fréquente. C’est dans le rond que l’enfant se retrouve en confiance.

La notion de rond inscrit l’individu dans une plénitude.

Il est intéressant de penser l’individu et son développement dans des cycles qui évoluent et se transforment : de la petite enfance, à l’âge adulte, au troisième puis quatrième âge plutôt qu’en un tableau réunissant les âges en abscisses et les acquisitions en ordonnées. La notion de cycle permet une vision globale sans segmenter l’individu.

D’un point de vue moteur, on retrouve chez le tout petit la notion de grasping, l’enfant entoure un objet, la main qui attrape le doigt pour se refermer sur lui ; le bébé qui  découvre et joue avec ses pieds forme un cercle dans son corps. L’évolution en position ventrale lorsque l’enfant tourne en étoile de mer autour d’un centre, ou roule du ventre sur le dos, expérimentent les mouvements autour d’un axe de rotation : le rachis.

« Avec l’acquisition de la verticale l’enfant continue à avoir recours au rond : au plaisir de s’étourdir, de tourner sur soi, de tourner autour du poteau, mais aussi de faire la ronde à deux, à plusieurs... De faire du tourniquet dans les jardins public. Le rond reste présent et se décline dans différents plans spatiaux : faire la roulade en avant, en arrière, dévaler une pente en roulant allongé... » C. Lefèvre « Et rond et rond, à petits pas, je grandis »

 

Chez l’homme, tous les jeux en lien avec le vertige obtenus souvent par la giration peuvent être perçus comme une manière de lâcher prise ou de se sentir relié à un invisible. Le rond a deux versants qui s’opposent : le tourner associé à la confiance, être entouré et le tourner qui déclenche le plaisir du vertige, de perdre ses repères en altérant la conscience.

La notion de cercle est un élément fondateur dans le développement de l’enfant :

D’un point de vue du schéma corporel, de l’affect, et de la confiance en soi : l’enfant a besoin de contour, d’une enveloppe, se sentir contenu. Le portage nous l’avons vu est aussi une manière de faire le tour de, est un vecteur de construction du développement corporel de l’enfant ; plus les enfants sont portés, plus leur schéma corporel se conscientise et plus les enfants marchent tôt. (Référence : études d’enfants en Afrique marchent bien plus tôt qu’en Europe). 

Dans le portage nous retrouvons donc le tourner et la notion de faire le tour de... Embrasser quelqu’un,  ainsi que la notion du balancer comme mouvement associé au fait d’être porté. 

Il appartiendra de retenir le travail du portage, porter être porté dans le socle pédagogique comme un axe à développer.

 

D’un point de vue spatial, on retrouve le cercle et son centre quand l’enfant joue et s’éloigne de plus en plus pour partir en découverte; il laisse le centre, un lieu point repère, (le parent, l’adulte) et part en découverte. Une boucle se fait, un aller retour du centre à l’éloignement, entre connu et inconnu, confiance et prise de risques.

Le rond, le tournoiement d’un point de vue proprioceptif et des sensations extéroceptives contient la propension au calme, être protégé à l’intérieur d’un cadre structurant et la propension au vertige et les délices de la perte des repères.

 

 

Le jeu et le rond

 

Le rapport au présent est un élément fondamental dans le jeu ; l’aire du jeu à l’image du monde offre la possibilité de s’ancrer dans le présent, de construire sa place dans son rapport au monde. Il en va de même pour la danse.

 

Symbolique du rond : 

Le cirque: "on regarde un trou, une ouverture, le fond d'un puits. Symbolise l'univers dans sa plénitude et sa perfection. Aspiration au paradis perdu.

- Le cercle: théâtre, arène, représentation de l'inconscient par rapport au carré.

La toupie : jeu d'automne symbolisant le recommencement agraire.

Jeu de balles : permettait de connaître la volonté de l'invisible; (par la victoire d'une équipe sur une autre).

 

Comment les enfants jouent ?  Quel plaisir ont ils à tourner, retourner, se renverser, s’entourer ?

Pourquoi les lignes courbes sont elles tellement convoitées quand on joue ?

L’observation démontre que la courbe invite à l’inclusion. La ligne droite a plus de difficulté à inclure, elle tranche, démarque, divise. Seule la lumière dans la nature sépare et tranche comme une ligne droite. Le reste du vivant corps et nature s’apparentent à la courbe ; jusqu’au point de la fin de nos phrases, un petit rond, qui permet de rassembler valider la phrase en son entier.

Tourner c’est inclure, être avec, se relier aux autres. Célébrer une participation d’être avec, en plus de donner l’habileté de développer les appuis les transferts de poids la tonalité, pour une manière spécifique de bouger chez chacun. Tournez comme vous jouez !

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1970-the play ground project -jrp/ringier

Le trou en guise de rond-  se cacher/regarder/ Etre dedans/dehors- voir être vu.

L’alternance se cacher se protéger/ chuter dans l’inconnu ; la peur du noir/le plaisir d’être protégé.

Tourner sur soi/tourner autour- rf à la toupie

Le plaisir du vertige- l’équilibre.

« L’ellipse est une des très belles figures mathématiques de l’évasion. Un point de fuite immobile. Une porte de sortie du visible vers l’invisible ... L’ellipse a deux foyers, l’un visible, l’autre invisible. Elle s’oppose sans en avoir l’air à toute forme d’autorité, ouvre l’oblique baroque dans la perspective ordonnée par le sujet central... Vertige qui soudain ouvre sous vos pas l’espace soudain déployé. C’est la spirale, qui relancerait le deuxième point d’appui de l’ellipse vers un futur jamais atteint. » Anne Dufourmantelle. Eloge du risque

 

Structure en éventail, Hanyang university. Corée du sud. Habitats ; Lina Bo Bardi.

Un toit en ellipse, un ciel en éventail avec la possibilité d’ouvrir et de fermer chacune des lames pour une sensation d’espace et de mouvement. La structure offre l’ancrage et l’espace ouvert comme autant de possible pour prendre appui et se déployer.

 

Les jeux des enfants offrent la giration dans le corps et dans l’espace, dans la sensation et dans la projection. 

Structure en éventail, Hanyang university. Corée du sud. Habitats ; Lina Bo Bardi

Un toit en ellipse, un ciel en éventail avec la possibilité d’ouvrir et de fermer chacune des lames pour une sensation d’espace et de mouvement. La structure offre l’ancrage et l’espace ouvert comme autant de possible pour prendre appui et se déployer.

 

Les jeux des enfants offrent la giration dans le corps et dans l’espace, dans la sensation et dans la projection. 

La danse et le rond. 

 

Le cercle en danse est une mise en forme de l’espace très utilisée dans les danses traditionnelles; figure qui permet de se relier les uns aux autres, de mettre tout l’ensemble des danseurs sur un même plan, et de se laisser porter par un même geste, un même rythme.

On le retrouve dans le hip hop et la Capoeira, le cercle met en avant un danseur qui s’exécute au centre quand les autres rythment et soutiennent tout autour.

Ce symbole géométrique très répandu dans tous les styles de danses trouve sa symbolique dans la lune et le soleil. Les danses d’autrefois mettaient en exergue  cette symbolique de stabilité et d’union que représente le rond pour construire leurs danses en hommages aux dieux et à leurs rites de vie.

 

L’action de tourner assemble le tout, et fait un la somme des parties. 

C’est faire le tour de soi et le tour du monde que l’action de tourner.

 

La giration dans l’apprentissage de la danse est un élément fondamental. C’est laisser l’enfant (re)traverser l’expérience de :  

- la mise en confiance, la notion de l’enveloppe, du contour du contenant.

- le lien avec autrui et la possibilité de faire un dans le cercle avec tous. 

- le plaisir du vertige, du déséquilibre dans l’équilibre associé à la notion de vitesse.

L’opposition entre le vertige, la perte de la conscience et la notion d’inclusion et de mise en confiance  donne l’équilibre, un centrage au danseur.

Soit autant de possibles pour donner à l’enfant le moyen d’acter sa propre plénitude du cercle, en confiance, tout en conservant la jubilation du vertige. Oser le point suspendu entre la maîtrise et non maîtrise de son propre corps et de sa conscience.

 

Au travers du tourner, se trouve l’apprentissage de :

L’équilibre- la force- le regard- la verticalité- l’appui- le centre de gravité- 

 

Quels spectacles ?

Pièces chorégraphiques : 

Two Ecstatic Themes  de Doris Humphrey

Fase ; 1982 de Anne Theresa de Keershmaker

Programme court avec essorage ; 1999 de Boris Charmatz et Gilles Touyard plasticien. 

L’homme qui tombe ; 2014 de Yoann Bourgeois.

 

 

Tourner en danse

 

Mise en corps :

Laisser poser les mains sur le dos de manière à ce que le danseur touché puisse visualiser la ligne d’une main à l’autre. Celui qui est touché met en mouvement cette ligne imaginaire ; trouver l’ondulation d’une main à l’autre. Eloigner les mains puis les rapprocher pour jouer sur les distances des ondes. Laisser l’ondulation aller au delà des mains.. Créer des lignes imaginaires et trouver la circulation, la spirale qui peut s’inscrire.

Alterner les rôles ; Quel rythme ?
(Plus loin : Par groupe, improviser sur ces spirales dans le corps en restant à l’écoute du groupe.)

En cercle : course autour du cercle et revenir prendre sa place- les autres frappent un rythme quand l’enfant reprend sa place. Un enfant -2 enfants- course sens inverse. (A à l’intérieur du cercle- B à l’extérieur)
En posture du sphinx : le regard qui cherche le marchand de glace sur la plage entraîne le corps qui tourne. (Référence à S. Paxton)

Sur la tranche : tourner le grand trochanter.
Allonger sur le dos : essuie glace avec les pieds.
Au sol : tourner autour d’un point fixe (centre du corps- la main- les fesses- la tête) Tourner/rouler dans l’espace : goûter la qualité du retournement.
Allonger sur le dos : se retourner comme un voyage d’une journée.

Rouler au sol : petite boule- avec pied main initiateur ; avec jambes moteur- en ouverture- en spirale- en croissant de lune- Bras moteur :au dessus tête et passe devant poitrine quand le corps tourne- Rouler toupie 1⁄2 tour AR et tour entier.
Rouler avant/arrière épaule en appui

Rouler à deux trois en s’attrapant main-pieds/ nombril contre nombril ou dos contre dos: en faisant la vague

Assis en 1ere : Tourner sur les fesses avec élan.
Balancer +Tourner fesse-genoux-fesse-
Debout : Tourner en faisant un petit cercle sur place- toucher/ caresser l’air avec ses mains. Dans les deux sens. Même chose en faisant un grand cercle.
Conscience du centre, de l’espace proximal et distal. Caresser l’air.
En avançant reculant- marchant- petite course sur 
1⁄2 pointe.

Circumduction avec les articulations : une, deux trois articulations en combinaison. Sur place- en se déplaçant- en conversation avec un partenaire

Faire tourner ses yeux ; dans les deux sens.

Ballons de baudruches suspendus le long d’une ficelle : tourner autour du ballon –statue qui touche- course ballon suivant- tourner avant/arrière
En restant en contact avec le ballon avec la tête- la main- course ballon suivant : chute sous le ballon.

Avec des cerceaux poser ses bras sur leur contour en portant le cerceau pour faire un cercle à l’horizontal (antéro postérieur – frontal) - au dessus de la tête- Se déplacer jusqu’à un autre enfant en patience, faire passer le cerceau haut en bas et poser le cerceau au sol- B récupère le cerceau. A se met en patience.

A deux face à face se donner les mains : tour en contrepoids. Descendre remonter - repousser les mains reculer.

Avec un tissus au sol sous un pied : Tour dans un sens avec point fixe pour le tissus et inversement, c’est le tissus qui trace le cercle.

Aller vers la technique :

Debout : petite 4eme : Inclinaison -flexion buste puis tourner sur un pied D/G Mouvement centripète/mouvement centrifuge.
Disperse-éloigne/ ramasse-rassemble
Irradie du centre vers l’extérieur

ex : une arabesque « s’élance vers quelques points du monde extérieur, elles restent inachevées » R. Laban // contraste avec la focalisation confinée de l’attitude.

Aller vers l’improvisation :

Marche dans l’espace, en développant différentes directions possibles; serrer la main de la personne que l’on croise- sentir la peau, la chaleur, la rugosité, la callosité, la tension donnée. Repartir. Jouer sur les rythmes possibles de la marche et du temps où l’on tient la main. Même chose puis amener le danseur dont on tient la main au sol. Via la main, proposer une direction, une énergie : en spirale, aller avec lui.

Remonter par le plus court chemin, repartir.
Même chose en proposant d’autres moteurs d’initiateur de mouvement : toucher la tête, l’épaule, le bassin, qui vont être le démarrage de la spirale pour descendre jusqu’au sol. Moduler les niveaux avec cette proposition : engager le mouvement de spirale jusqu’au sol, ou juste l’initier ; expérimenter les possibles.
Par 5, Chacun compose 3 descentes de spirales et de remontées, en choisissant ou elle démarre ou elle se meurt. Assembler à 5 pour trouver un rythme.

Danse de l’ange : au plus près au plus loin / A comme point fixe tourne, B danse en restant face à A- complémentarité.

Dessin d’un cercle au sol- début/fin. A B C successivement dessinent avec différentes parties du corps- faire tourner.

Dé chauffe :
Un danseur allongé sur le dos, jambes pliées, genoux au ciel pieds dans le sol ; B mains sur les genoux de A effectue des petits cercles.

Sensation du vertige, perte de contrôle de soi, maîtrise de son axe, son centre- travail de force centrifuge et centripète. Conscience d’un espace avec un point x comme centre, lieu de retour.

 

 

Le rond dans l’art- Tourner

 

Le cercle parfait

 

Léonard de Vinci, L’homme de Vitruve, aux proportions parfaites, inscrit dans le cercle.

Prismes électriques, Sonia Delaunay  1913-191Le cercle qui appelle les cercles.

La danse de Henri Matisse ; 1910Le cercle comme un lien

Shiva Nataraja-Indes, Tamil Nadu, fin XVIII début XIXS. Musée Guimet

La vie le recommencement dans le cercle

 

 

S’inscrire dans le rond, une manière d’être au monde 

Statuettes funéraires- danseurs-acrobates-Dynastie Han- Musée Guimet

                        Jongleurs et danseurs accompagnaient les défunts dans leur tombe. Un signe                  sûr de l’importance du théâtre il y a 2000 ans.

Ma cousine Simone, forêt de Marly, Paris; 1er mai 1913. J. Lartigues

Rédigé par meyer-heine julie

Publié dans #les yeux

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